On Your Feet: A Novel in Translations [excerpt] — Jacqueline Feldman

Jacqueline Feldman’s On Your Feet: A Novel in Translations overlays strata of texts as it grapples with ways, means, implications and consequences of translating a story from French to English. This excerpt offers a glimpse at the uppermost layer in which both languages are drawn on, including through nonstandard usages, in a recombination and extrapolation of translation and its theory.


Allez.

Du blanc cassé, le canapé de Marine Le Pen représente une vision de la traduction comme la partie réprimée de toute une vie, la vie passée ailleurs. Idem pour l’arbre à chats.

Quand seriously l’arbre à chats représente – clairement – l’écriture à niveaux différents. Et heureusement. Parce que cela veut dire que la recherche présente, ou précédente, nous aide à le comprendre … Rappelons, confrontés à la hauteur de cet arbre à chats, la nonfiction, plus ou moins sportive, et, très particulièrement, la correspondance en langue étrangère, qui – très sportive – consiste en 1) un genre pour lequel l’exactitude, son statut véridique, serait non seulement l’idéal mais la garantie (le journalisme), avec, à l’intérieur de lui, caché presque, 2) un genre (la traduction) que l’on qualifie régulièrement en disant des choses telles « la ruine est peut-être sa vocation mais aussi un destin qu’elle accepte dès l’origine » (c’est Derrida). Et c’est cette traduction qui l’admet mais la nonfiction qui veut sans l’admettre être les deux à la fois : fidèle aux brouillons, aux informations extérieures au texte comme c’est le savant (c’est-à-dire aux autres textes), fidèle à la forme comme c’est l’artiste (c’est-à-dire à lui-même, au devoir de l’œuvre). « As Pushkin’s historian, I gloat over them. As a fellow writer, I deplore the existence of many trivial scribblings, stillborn drafts, and vague variants that Pushkin should have destroyed » – c’est Nabokov, dont le EO se révèle, à cette époque postérieure, consultable en salle de lecture. Dont le paradoxe est proche de celui de commenter, comme universitaire, son propre travail d’écrivaine ; d’ouvrir une parenthèse, dans une vie d’écrivaine, pour la commenter. C’est possible parce que j’écris en français, mais comment m’en sortir … écrire en deux langues à la fois, trouver la bonne … Yes we can !

C’est exactement ce que dirait, s’il pouvait prendre la parole, le trou dans le dos de la robe de la nièce de Le Pen (Marine Le Pen ; c’est sa nièce qui porte une robe à trou en forme de carreau). Et ce trou, c’est comme les fraises du jardin Writing that demands la colocataire qui s’appelle Ingrid wanting blood Pierrette a voulu s’exprimer This being something of which you catch a whiff fraises qui vont bientôt donner They’ll be straining under the weight les grandes surfaces elles-mêmes auront crevé At the time I didn’t stir any more than a coma victim might have Il y a eu des ratés, certes An associate of mine … Elle n’a rien laissé paraître …: Difficult to watch this with in mind describing it when it causes – ce qui est, d’ailleurs, son aspect le plus important pour décrire – blackout of thinking mentally, falling into black hole stupidly, and so on. Nous observons – dans la manière dont certains détails sont juxtaposés – la dictature du contenu, c’est ça qu’on observe … ça sonne correct, on court après … détail, détail, correct, correct, une femme, voilà sa mère, voilà, chez elle, c’est la première présidente d’un parti ce qui veut dire femme ; nous observons la dictature de ce que c’est tandis qu’on la laisse cacher, celle-là, sa manière de faire, ce que ça fait vraiment, véridiquement, la pensée plus grande que donne, à chaque fois, une forme. On laisse régner la dictature de qui nous sommes : « C’est la vie de beaucoup de Français […]. On leur ressemble beaucoup. »

Il y a, parmi les erreurs, une au moins qui est due au confort que j’éprouve au contact de ma propre langue. La confiance, voire l’arrogance, de celle qui consulte sa mémoire de langue natale – et qui ne googlise donc pas pour savoir si c’est vrai, comme elle affirme, du « Lidl », qu’elle traduit par discount, que c’est une « chaîne de supermarchés n’existant pas dans le monde anglophone » (note 300). Les known errors – j’en ai corrigé pas mal. Des citations mal notées ; « [L]’EHESS [est] à la hauteur de sa réputation » (c’est Tomates, p. 46). This thesis proves that for the foreigner, mistakes are a form of knowledge production, about cultural meanings and more. Il y a aussi des mises à jour ratées – des mariages subséquents des Le Pen, qui, tout ce temps que je relisais un mémoire de fin d’études, se révèlent avoir s’être mariés davantage (à Vincenzo Sofo, 2021, Marion Maréchal) ; il y a également des ressources à ce jour non-exploitées, all the books I’ll never read, such as the one entitled On the Tragic Origins of Erudition. C’est justement dans un vieux carnet, usé, infâme, que je redécouvre, je la discerne, c’est de ma main, cette N.d.T. : « What about writing in a language that’s not English – me writing in French – as political? gets me in touch with my failures and weaknesses, and the precariousness of the social construct that we might call my strengths ».

À chaque vie une expertise qui lui est propre – pour cette traductrice, c’est son étrangeté qui l’immunise à la séduction par des expressions qui visent, stratégiquement, un sentiment commun, qui cherchent à définir son électorat ou peuple. « Elle ne sort que des clichés » disait, à Digne, Nathalie (pour qui l’idée de son récit était de prendre littéralement, « au pied de la lettre », la campagne qu’avaient les FN de se banaliser). Ce que MM, à Paris, qualifiait d’« une parole fasciste, une parole qui fait tout pour réprimer sa violence », et Jon, dans le Massachusetts: « How do you translate a dog whistle ? » – j’entends, à l’opposé d’un lecteur qui vient de passer toute sa vie en France, ces clichés de la langue ou de la langue de bois comme pour la première fois (pour la première fois, dans certains cas). Cette traductrice ne peut qu’entendre le sens littéral. Dans « se la couler douce », par exemple. Elle ne pouvait pas s’empêcher d’entendre, par « couler », « couler » ; comme il y avait des révolutionnaires autour elle traduisait, dans un premier temps, ce que je traduirais plus tard wanting a break par wanting blood – un accident, certes. Mais comme il y aura toujours une partie perdue dans n’importe quelle traduction, comme il faudra bien choisir l’un ou l’autre aspect de chaque mot à traduire, je n’arrive pas vraiment à apprécier pourquoi – j’arrive bien mais pas vraiment – on doit toujours préférer, sélectionner pour préserver, la partie la plus audible au lecteur français (ici, c’est l’expression d’usage courant) à la partie la plus audible au lecteur étranger (l’image qui demeure, quoique calmement, en son intérieur).

Je ne suis pas la seule à m’intéresser aux distinctions binaires ; pour Marine, qui saisit l’occasion de refuser, si courageusement, non seulement la distinction d’« ultra-droite » mais celle, aussi, de « gauche » : « Le nouveau clivage, il est entre ceux qui croient en la nation » et les autres (qui croient que « les frontières, c’est ringard »). Nous voilà : les non-croyants. « We don’t live in a country, we live in a language » – c’est tiré de The Skirt Chronicles, une revue qu’à l’époque Haydée (française) (en anglais) publia. À la différence près que, par rapport à l’expression langagière, nous sommes tou-te-s, de naissance, étranger-e-s. C’est dans un autre sens encore que la construction d’une autorité littéraire se révèle, pour l’étrangère qui travaille pour s’y ancrer, contestataire ; dans cette traduction il s’agissait d’enlever MLP de la langue française – To take the French right out of her – pour m’y mettre moi. Dans cette langue, à sa place. « [S]ometimes female writers feel more strong or free in foreign languages because they are no longer in the original system in which they grew up » : c’est Yoko Tawada. « I love the idea that as a service to yourself you could break this down » : c’est Rachel (merci Rachel). J’allais restituer quelques fautes « au feeling» as I told Karim (une fois). We reveal ourselves unintentionally often, on ouvre grand les portes de sa maison, chaque femme à sa tour une langue. « That would be a change, a woman and cats at the Elysée, » says MLP. Celle-là. Dream on.


On Your Feet will be published by dispersed holdings next week. Pre-orders now available.

Jacqueline Feldman is the writer of On Your Feet and Precarious Lease, which is coming out later this year. Twitter: @jacquefeld